An 1 du décès d’Ousmane Tanor Dieng : Que reste-t-il du Ps ?

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Lundi 15 juillet 2019, la classe politique sénégalaise est endeuillée par la disparition d’Ousmane Tanor Dieng, un homme public de grande envergure. Ce jour-là, le secrétaire général du Parti socialiste (Ps) était rappelé à Dieu, à Bordeaux (France), à l’âge de 72 ans, des suites d’une longue maladie. Aujourd’hui, mercredi 15 juillet, soit un an après sa mort, son parti, plongé dans une profonde léthargie, est toujours à la recherche de repères.
À la suite de la perte du pouvoir en 2000, Ousmane Tanor Dieng, en vrai capitaine, est parvenu à « recoller les morceaux » qui restaient au Parti socialiste d’alors fortement secoué par le départ du président déchu, Abdou Diouf. En mars 2012, il contribue à la victoire de Macky Sall, au second tour de la présidentielle, contre Me Abdoulaye Wade, dans le cadre de la coalition Benno Siggil Sénégal pour ensuite « gouverner ensemble » avec lui, dans Benno bokk yaakaar (Bby). Une marque de fidélité et de loyauté au chef de l’Etat -dont il fut l’un des alliés politiques les plus importants, qui lui a valu, en guise de récompense, d’être porté à la tête du Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct), en 2016. Ce, en plus du quota des ministres socialistes dans tous les gouvernements qui se sont succédé sous Macky Sall.
Conséquence: Malgré les nombreuses divergences de vue qui ont miné le navire socialiste ayant abouti à des exclusions et des démissions, Tanor a toujours su faire preuve d’un leadership et incarner une certaine légitimité à la base. Ce qui lui a d’ailleurs permis de « porter », en tant qu’héritier du socialisme de Senghor, la candidature d’un pur produit du libéralisme moderne, Macky Sall, pour sa réélection, lors de la présidentielle du 19 février 2019.
« Parti orphelin… »
Il est, toutefois, à signaler que le décès d’Ousmane Tanor Dieng avait suscité de vives tensions au sein de sa formation politique (Ps). Lesquelles étaient liées au « vide juridique » noté dans les textes fondamentaux du parti autour de sa succession. Mais l’intérim sera finalement assuré par la première adjointe, Aminata Mbengue Ndiaye, en attendant le Congrès extraordinaire qui, jusque-là, tarde à se tenir.
À cela, il faut ajouter un manque de préparation et de responsabilisation de la relève du parti. C’est du moins l’avis de l’enseignant-chercheur en sciences politiques, Maurice Soudieck Dione.
« Il n’y a pas eu d’héritiers, parce que tout simplement la logique politique qui a toujours fonctionné ces dernières années, c’est de faire alliance avec la majorité présidentielle, Benno Bokk Yaakaar (Bby) », a-t-il regretté. Selon lui, personne ne s’attendait à un tel scénario et à ce qu’il n’y ait pas eu de préparation pour introduire quelqu’un pour la relève.
« Actuellement, il n’y a pas au sein du Parti socialiste une personne qui puisse bénéficier d’une certaine légitimité et faire le consensus autour de sa personne », souligne le politologue qui constate un grand vide.
Une situation empirée par les brouilles internes qui étaient notées au sein du parti bien avant cet évènement tragique. On se rappelle d’ailleurs le départ fracassant du porte-parole adjoint, Me Moussa Bocar Thiam, au lendemain de l’évacuation d’OTD pour des raisons de santé.
Cette décision inattendue de ce responsable, pourtant étiqueté « Tanor-Boy », de rejoindre l’Apr, allié du Ps, renseigne, si besoin en était encore, sur la profondeur des divergences, sur fond de chocs d’ambitions personnelles, qui couvaient au Ps. Et la fronde entamée par d’autres responsables centraux et, notamment, l’Union départementale du Ps de Kaolack au mois de mai 2019 n’est pas pour arranger les choses.
« Dernière volonté de Tanor »
Mais, malgré la psychose de l’après-Tanor, certains socialistes résolus se montrent encore déterminés à matérialiser la dernière volonté du défunt patron des ‘’Verts » de Colobane qui était de voir tous les socialistes « de cœur et de conviction » retrouver la maison mère.
« Le dialogue est entamé au Parti socialiste. Nous y invitons Khalifa Sall. Il n’y a pas d’exclusion. C’est un appel inclusif que je lance à l’ensemble des socialistes de cœur ou de raison. J’ai dit à mes camarades qu’il faut faire preuve de tolérance, de générosité et l’histoire de notre parti est faite de scission, de retrouvailles, de division. Mais malgré cela, le noyau dur reste là et est convaincu qu’il faut rassembler tous ceux qui le souhaitent pour mener les combats futurs ensemble », avait-il confié à Seneweb, le 2 avril 2019, soit quelques heures seulement avant son évacuation en France.
Cette sortie médiatique, tel un adieu, avait « réuni » même les plus réfractaires au sein du parti selon qui, « les retrouvailles socialistes sont une nécessité vitale ». Un avis également partagé dans les plus hautes strates de cette formation politique. Serigne Mbaye Thiam, par exemple, abondait dans le même sens. Selon lui, le Parti socialiste a le devoir historique de « s’unir ou (va) périr ».
Même du côté des Khalifistes, on est dans les mêmes dispositions. Du moins au lendemain du décès d’Ousmane Tanor Dieng. Aba Mbaye, un des plus radicaux des pro-Khalifa Sall, suggérait d’ailleurs une introspection: « Notre défi, en tant que socialistes, c’est de nous demander comment on a pu accepter que la génération de Khalifa, Aminata Mbengue Ndiaye, Serigne Mbaye Thiam, qui a quarante ans de compagnonnage, se disloque ? »
Ajoutant que « notre devoir, c’est de nous départir de nos rancœurs et colère malgré l’emprisonnement de Khalifa Sall, pour nous retrouver autour de l’essentiel : l’avenir du Ps ».
Pour les Khalifistes, il n’est plus question que le scénario de la présidentielle de 2019 se reproduise : deux camps du Ps soutenant deux purs produits de Wade et du libéralisme (Idy pour Khalifa Sall et Macky pour Tanor et le Ps).
Toutefois, il faut le dire, depuis lors, les choses semblent rester au point mort. Aucun acte tendant vers un rapprochement entre les socialistes de « cœur et de raison » n’est posé. Ce, malgré la sortie en prison de Khalifa Ababacar Sall.
« L’avenir du Ps hypothéqué par Macky Sall »
Ce qui fait dire au secrétaire national adjoint chargé des Tic, Abdoulaye Gallo Diao, que l’avenir du Parti socialiste (Ps) dans Benno est entre les mains des socialistes responsables et conscients. « Mais, admet-il, cet avenir de notre parti, comme des autres alliés, est déjà hypothéqué par le Président Macky Sall qui ne cesse de nous imposer la promotion des transhumants du Pds au détriment de toutes les forces politiques qui ont consenti beaucoup de sacrifices pour le porter au pouvoir en 2012, avant de l’accompagner dignement et courageusement durant tout son septennat, pour ensuite le réélire en 2019 dès le 1er tour ».
Le jeune socialiste se veut plus clair : « La vérité est que le Président Macky Sall a trahi le Ps, l’Afp, la Ld, le Pit, Macky2012 et l’Apr, son propre parti. De 2012 à 2019, tous les grands partis alliés du président Macky Sall dans Bby sont divisés en deux ou en plusieurs factions, et totalement affaiblis ».
Parlant de « deal entre Macky Sall et Karim Wade dans le dos de Bby », Abdoulaye Gallo Diao avance que « la vitesse avec laquelle le président Sall fait la promotion des libéraux dans son second et dernier mandat, en est une parfaite illustration. Et ce deal, le Ps doit le démanteler pour proposer sa candidature à Bby à la prochaine élection présidentielle de 2024, d’autant plus que Macky Sall n’est plus concerné par l’avenir politique de notre coalition ».

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