Quand la science s’unit pour sauver l’avenir : Agadir accueille le laboratoire mondial des solutions pour l’eau et l’environnement
Première Conférence Internationale sur l’Eau, les Matériaux et l’Environnement (WaMEC 2025)
Par Mohammed Tafraouti
Au cœur de la ville d’Agadir, là où la brise atlantique rencontre l’esprit d’innovation, la conférence WaMEC 2025 s’est transformée en un espace vivant réunissant ingénierie, environnement, technologies avancées, énergie et intelligence artificielle. Deux jours durant, la Faculté de Médecine est devenue un laboratoire mondial ouvert, où scientifiques, ingénieurs, experts du climat et spécialistes des matériaux ont partagé une ambition commune : comment la science peut-elle servir l’humanité, et comment l’être humain peut-il façonner son avenir grâce à la science ?
La Première Conférence Internationale sur l’Eau, les Matériaux et l’Environnement, organisée par le Laboratoire de Chimie Appliquée et de l’Environnement (LACAPE) de la Faculté des Sciences d’Agadir, en partenariat avec le Laboratoire de Recherche Multidisciplinaire et d’Innovation (LMRI) de la Faculté Polydisciplinaire de Khouribga et l’Association Marocaine des Sciences Appliquées et de l’Environnement, s’inscrit dans la continuité du succès de JIME2019. Elle confirme le rôle pionnier de l’université marocaine dans la recherche scientifique et l’échange d’expertises.
Au fil des sessions, les participants ont débattu des dernières innovations en gestion des ressources hydriques, traitement des eaux usées, matériaux et nanomatériaux, technologies membranaires et dessalement, valorisation des ressources naturelles, énergies renouvelables, changements climatiques et économie circulaire. Le congrès s’est ainsi imposé comme une plateforme internationale de réflexion collective et de formulation de solutions concrètes, plaçant le Maroc au cœur du débat mondial.
Le Doyen de la Faculté des Sciences d’Agadir, le Professeur Ahmed Belmouden, a qualifié cette rencontre de moment crucial face aux pressions croissantes sur les ressources hydriques et aux effets du changement climatique dans la région. Il a souligné que les réponses intégrées ne peuvent émerger que de la recherche scientifique. Le doyen a également mis en avant la plateforme moderne d’analyse mise à disposition, équipée d’instruments de pointe tels que le microscope électronique à balayage, la diffraction des rayons X et la microscopie Raman, ouverts aux chercheurs
à des coûts symboliques, sous le slogan : « Les équipements scientifiques doivent servir l’ensemble de la communauté scientifique ». Il a appelé les étudiants et jeunes chercheurs à s’engager avec audace et à bâtir des partenariats solides.
Le Professeur Mohamed Chiban, coordinateur de la conférence, a rappelé que le monde fait face à des défis environnementaux majeurs , raréfaction de l’eau, sécheresses, inondations et hausse des températures , menaçant agriculture, économie et écosystèmes, particulièrement dans la région d’Agadir fortement dépendante de l’agriculture. Il a salué la conférence comme un espace de coopération et d’innovation ayant permis l’émergence de nouveaux partenariats et de solutions pratiques pour relever ces défis.
Le Vice-Doyen de la Faculté Polydisciplinaire de Khouribga, M. Noureddine Baraka, a rappelé que le Maroc fait face à un défi hydrique sans précédent nécessitant une mobilisation collective conforme aux orientations royales en matière de gestion rationnelle et solidaire des ressources. Il a précisé que la conférence a rassemblé plus de 200 chercheurs et experts issus de 15 pays afin d’échanger sur la gestion de l’eau, le dessalement, la valorisation des ressources non conventionnelles et les énergies renouvelables
La Professeure Fatima El Baz, Directrice adjointe du Laboratoire LACAPE, a indiqué que la conférence s’inscrit dans un contexte national porteur d’espoir et de fierté. Elle a rappelé les objectifs de l’événement : renforcer les liens entre l’université et le secteur socio-économique, encourager la recherche et l’innovation, et développer de nouvelles collaborations. Elle a précisé que le laboratoire pilote plusieurs masters innovants dans les domaines des sciences et techniques de l’eau, de la chimie appliquée, de l’ingénierie environnementale et du changement climatique, tout en reliant recherche et action à travers des projets axés sur la gestion de l’eau, la lutte contre la pollution, la valorisation des déchets et le développement de matériaux innovants à finalité environnementale et énergétique.
Le Vice-Président de la Région Souss–Massa, M. Adel Moufakir, a insisté sur la nécessité de développer des solutions novatrices pour la gestion de l’eau et d’accélérer la transition vers une économie circulaire fondée sur des matériaux respectueux de l’environnement, rappelant que la coopération scientifique constitue une voie incontournable pour affronter les défis à venir.
La Directrice Régionale de l’Environnement, Mme Khadija Sami, a affirmé que les thématiques du congrès s’inscrivent pleinement dans la stratégie nationale de développement durable. Elle a cité l’accord-cadre liant les ministères de la Transition Énergétique et de l’Enseignement Supérieur pour soutenir la formation doctorale dans les domaines de l’énergie et de l’environnement jusqu’en 2028.
Regards scientifiques croisés
Gestion des ressources en eau : une vision marocaine
Lors de la première journée, le Professeur. Lhoussaine BOUCHAOU a présenté une communication intitulée « Nouvelles technologies pour la gestion des ressources en eau : perspectives du Maroc ». Il a mis en lumière la réalité hydrique nationale, où le secteur agricole consomme près de 85 % des ressources, dans un contexte de pressions croissantes liées au changement climatique et à la surexploitation.
Il a proposé une vision intégrée reposant sur des outils avancés : mesures de terrain de haute précision, surveillance satellitaire, modélisation multidisciplinaire, protocoles intelligents pour la gestion de l’irrigation basés sur l’agrométéorologie, ainsi que l’implication de l’intelligence collective pour bâtir un modèle durable.
L’impact attendu dépasse les aspects techniques pour amorcer une véritable transformation numérique du secteur de l’eau et de l’agriculture, améliorant les conditions de vie des agriculteurs, la productivité et l’attractivité du secteur pour les jeunes. Le débat avec les partenaires a également abordé les contraintes liées au déficit en ressources humaines et en bases de données, adoptant une méthodologie structurante fondée sur des questions clés (Quoi ? Qui ? Où ? Quand ? Comment ? Combien ? Pourquoi ?), afin d’assurer clarté et efficacité dans la répartition des tâches.
Valorisation des ressources agricoles par les enzymes
Dans un autre axe, le Professeur Renato Froidevaux a traité le thème « Enzymes et biocatalyse pour la valorisation des ressources agricoles ».
Il a expliqué que la classification internationale des enzymes distingue sept grandes catégories (EC1–EC7), illustrant le potentiel immense de transformation des résidus agricoles en produits à forte valeur ajoutée : biocarburants, composés chimiques verts, ingrédients alimentaires…
Cependant, ce domaine se heurte à plusieurs défis : saisonnalité des ressources, débat éthique autour du dilemme « food vs fuel », obstacles technologiques coûteux, et contraintes liées au marché et aux politiques publiques.
En parallèle, des tendances innovantes émergent : développement de cocktails enzymatiques, utilisation d’enzymes immobilisées, exploration d’enzymes issues de la métagénomique, et création de bioraffineries intégrées.
Ces avancées placent la biocatalyse au cœur d’un modèle d’économie circulaire durable, conciliant enjeux environnementaux et rentabilité économique.
Le dessalement au Maroc : atouts et défis
Le Professeur Mohamed TAKY de l’Université Ibn Tofaïl a présenté une communication intitulée « Le dessalement au Maroc : points forts, défis et perspectives de recherche ».
Il a souligné que la dotation hydrique annuelle par habitant au Maroc est d’environ 540 m³, proche du seuil critique de 500 m³, ce qui rend indispensables les solutions non conventionnelles.
Depuis deux décennies, le Maroc s’appuie sur l’osmose inverse, offrant autonomie hydrique, qualité élevée et flexibilité technique. Mais des défis persistent : coût énergétique (3–5 kWh/m³), investissement élevé, vieillissement des membranes, problématique du bore, ainsi que l’impact environnemental de la saumure et des émissions de CO₂.
Ces défis constituent en réalité une véritable opportunité pour la recherche, qu’il s’agisse de l’amélioration du prétraitement, du développement de membranes inspirées des aquaporines, du recyclage des membranes usées, de la réduction de la consommation énergétique grâce aux énergies renouvelables ou encore de la gestion innovante de la saumure à travers des systèmes à zéro rejet liquide. Le Maroc s’est engagé dans cette voie en lançant de grands projets à Casablanca, Rabat et Tanger, mais la durabilité de cette stratégie impose de relever les défis économiques, environnementaux et humains qui l’accompagnent.
Les nanoparticules au service de l’énergie propre
La Professeure Gabriela Cârja (Université technique « Gh. Asachi » de Iași – Roumanie) a présenté une intervention avancée intitulée :
« PI-CS dans la catalyse durable : confinement de nanoparticules métalliques dans des matrices de couches doubles ».
Elle a exposé les évolutions majeures dans la catalyse nanostructurée durable, expliquant comment des nanoparticules de métaux (or, cuivre, nickel…) peuvent être confinées dans des structures en couches doubles (LDH). Ces architectures offrent un environnement idéal pour contrôler les réactions chimiques, ouvrant de vastes perspectives pour la catalyse et la production d’énergie propre.
Elle a montré comment les interactions entre nanoparticules et matrices renforcent l’activité catalytique grâce à des phénomènes tels que la séparation plasmonique des charges (PICS). Ces travaux préparent le terrain pour des architectures nanométriques complexes, essentielles au développement de solutions durables en énergie et environnement.
Détoxification des cupels contaminés au plomb pour des usages ingénieriques
L’équipe de l’Université KNUST, Ghana (B. Koomson, E. Pabwie, P. Boakye) a présenté une étude intitulée « Détoxification des cupels usés pour des applications ingénieriques ».
Les chercheurs ont abordé la problématique des déchets issus de l’analyse de l’or, contenant jusqu’à 45 % d’oxyde de plomb, présentant un risque sanitaire et environnemental majeur. L’étude propose une approche verte basée sur l’extraction du plomb à l’aide d’acides organiques faibles (acétique et citrique), après broyage pour améliorer la perméabilité. Les résultats ont montré l’efficacité supérieure de l’acide acétique, et l’influence déterminante de la granulométrie. Cette méthode permet donc de recycler des matériaux dangereux et de les transformer en matériaux d’ingénierie écologiques, renforçant l’économie circulaire dans le secteur industriel.
Clôture du premier jour : science, pratique et coopération
Le premier jour s’est conclu par un débat riche entre chercheurs et étudiants, soulignant la nécessité d’articuler recherche scientifique et application terrain pour relever les défis de l’eau, de l’énergie et de l’environnement, et renforcer les collaborations entre universités marocaines et étrangères.
Deuxième journée : un foisonnement scientifique remarquable
La deuxième journée du WaMEC 2025 a été marquée par une succession d’interventions couvrant de nombreux axes scientifiques. Le Professeur Luigi Rizzo (Université de Salerne) a exposé les défis du traitement tertiaire et quaternaire des eaux usées en Europe, dans un contexte réglementaire exigeant visant l’élimination des micropolluants et la neutralité énergétique. Le Professeur Ahmed S. G. Khalil (Université de Fayoum) a présenté ses innovations en matière de membranes nano composites.
Le chercheur El-Houssaine Ablouh (UM6P) a détaillé ses travaux sur les biopolymères biodégradables pour engrais à libération contrôlée. La Docteure Sophie Cernot a exposé les performances des membranes céramiques hydrophobes pour le distillat à membrane.
Plusieurs sessions parallèles ont abordé : intelligence artificielle, risques climatiques, matériaux avancés, télédétection, hydrologie, valorisation des ressources naturelles…
Les équipes marocaines, européennes et africaines ont présenté des travaux alliant modélisation, expérimentations de laboratoire, essais de terrain, et solutions opérationnelles.
Les recherches innovantes ont également porté sur l’utilisation de floculants naturels comme alternatives durables aux polymères de synthèse, sur l’évaluation des risques sanitaires liés à l’eau en sachets au Niger, ainsi que sur de nouvelles approches d’inspection des barrages mobilisant le GPR et la tomographie sismique. D’autres travaux ont exploré le développement de catalyseurs issus de coquilles d’œufs, la conception de matériaux composites associant carbone et biopolymères pour l’adsorption de colorants, ou encore la mise au point d’hydrogels « nano cellulosiques » « super absorbants » destinés à l’agriculture. Les chercheurs se sont également intéressés à l’usage de l’intelligence artificielle pour la prédiction de l’élimination du phosphore et de l’azote, ainsi qu’à l’étude géomécanique de l’argile de Boké entre la Guinée et le Sénégal en vue d’applications en construction écologique.
Cette richesse scientifique illustre la dynamique du congrès comme plateforme internationale de cocréation de solutions aux défis hydriques, énergétiques et environnementaux.