imam/Assane Seck, docteur honoris causa, spécialiste du droit islamique, écrivain, traducteur, interprète de conférence internationale, responsable de la Commission des affaires religieuses du mouvement des aranéomorphes du Sénégal et professeur d arabe au lycée de diamniadio.
Une femme avait perdu son mari. Les gens venaient de partout présenter leurs condoléances, en parlant du défunt en des termes très élogieux. Face à tant de témoignages vibrants, elle avait commencé à pleurer. Interrogée sur son attitude, elle leur dit : je pleure parce que j’aurais souhaité que vous disiez ces paroles élogieuses à l’endroit de mon mari quand qu’il était encore vivant ! Cela lui aurait peut-être remonté son moral qui était devenu si bas et lui aurait donné une image beaucoup plus positive de lui-même, et pourrait même améliorer sa santé et rallonger ses jours sur terre.
Après le rappel à Dieu du très grand acteur islamique, Mouhamed Bamba NDIAYE, qu’Allah lui fasse Miséricorde, je me sentais, soulagé de n’avoir jamais manqué l’occasion de lui dire, de son vivant, qu’il était un grand pionnier de l’action islamique au Sénégal. Que je le prenais comme un modèle pétri de très nobles qualités.
I. UN GRAND PIONNIER DE L’ACTION ISLAMIQUE
AU SENEGAL A PARTIR DE 1979
Un pionnier est : »la personne qui est la première à lancer une entreprise qui fraye son chemin «
Selon cette définition, notre illustre disparu était un pionnier dans le domaine de l’action islamique au Sénégal. L’un des grands imams et prédicateurs du Sénégal, Aboubacar DIANKA lui reconnaissait ce rôle quand il me disait : « le mouvement islamique du Sénégal est grandement redevable à la vision pionnière de Mouhamad Bamba NDIAYE, surtout en ce qui concerne son appel à un engagement politique pour défendre les intérêts de l’Islam dans les plus hautes sphères de décision ».
1- des causeries religieuses de différentes sortes à l’Université Cheikh Anta DIOP de Dakar.
Selon les propos de notre regretté Bamba NDIAYE et ceux d’un témoin, Moukhtar GAYE du parti MRDS, Bamba est la première personne à tenir des conférences et des séances d’exégèse du Coran en français à l’université. D’après le défunt, vers les années 1979, 1980 et 1981 ce sont les communistes qui assuraient l’animation culturelle à l’université, à travers l’association estudiantine d’obédience marxiste appelée UNAPES où Bamba Ndiaye se faisait distinguer comme un des dirigeants. Il se définissait, à cette période, comme « marxiste maoïste « . Mais, une fois qu’il avait acquis une conscience islamique claire et nette, il avait pris un autre chemin aux antipodes du communisme. Il organisait des causeries religieuses en commençant par des conférences au terrain de basket, derrière le pavillon A. Il initia ensuite des séances d’exégèse du Coran dans les chambres, puis sur la place où se trouve actuellement la mosquée de l’UCAD. Les activités menées dans cette mosquée ont grandement contribué à l’essor de l’action islamique jusqu’à la création de l’AEMS. D’après Ibrahima DIAGNE de Thiès, les orientations de Bamba NDIAYE avaient grandement contribué à la création de cette structure.
2- construction et équipement de centres de santé par le biais d’ONG islamiques
La construction de centres de santé équipés, avec un personnel qualifié, fait partie des domaines dans lesquels notre regretté a eu à se distinguer. Ceci pendant la période où il dirigeait des ONG islamiques qu’on lui avait confiées sur la proposition de la jamatou ibadourahmane. Pendant cette période, il avait occupé des postes très importants, come celui de président du conseil consultatif national ou président de la commission de communication de ce mythique mouvement islamique.
Ces centres de santé initiés grâce à sa vision sont :
- Le centre de santé Hafia près de la gare routière de Thiès
- Le centre de santé Ndiaye Diouf qui se trouve aussi à Thiès
- Le centre de santé Malick SY à Kaolack
3- UNE VISION PIONNIERE dans la création d’écoles de l’enseignement coranique modernes
De ces nombreuses actions, je vais en citer, la création de l’école « daroulhikmah » de Guédiawaye avec le soutien de l’organisation mondiale du secours islamique qui est une branche de la ligue islamique mondiale. Il était alors le directeur régional de cette ONG caritative islamique soutenue et financée par le Royaume d’Arabie Saoudite.
Ces écoles de référence, il en existe deux à Dakar où l’une est destinée aux jeunes filles et une autre déplacée de Dakar vers la région de Diourbel.
4- Un conférencier islamique au premier plan de 1979 à 1994
Pendant 15 ans, Mouhamadou Bamba Ndiaye a animé des conférences islamiques les plus pertinentes, sur la laïcité, le planning familial, la loterie nationale, l’Islam ou l’engagement politique, un partout au Sénégal. C’est d’ailleurs pourquoi il avait été choisi pour lire la déclaration des musulmans du Sénégal sur le très subversif livre de Salmane Rushdie. Il avait été aussi choisi, d’après Oustaz Ahmad Saloum SAMB, pour participer au premier débat organisé à la télévision nationale sur la laïcité.
5-Pionnier dans l’organisation de grandes rencontres islamiques internationales
Mouhamad Bamba NDIAYE, a été également le premier arabisant nommé ministre et le seul ministre chargé des affaires religieuses du Sénégal. A ce titre, il a été le seul à organiser une rencontre réunissant tous les savants musulmans d’Afrique et une autre réunissant les savants musulmans du monde entier. La dernière rencontre qu’il a coordonnée et dirigée avait réuni l’ensemble des organisations des sociétés civiles des pays membres de l’OCI, où il m’avait copté comme interprète simultané, le 31 janvier 2020 à l’hôtel King Fahd Palace.
II. UN PIONNIER DE TRES NOBLES CARACTERES
Imam al-gazaly disait : »ce qui fait le vrai mérite pour une personne est souvent différent de ce qui l’a rendue célèbre’’. Ceci parce qu’un activisme, au nom même de la religion ou d’autres idéaux sublimes, peut être motivé par les calculs les plus cyniques. Cet activisme, même s’il rend la personne célèbre, aurait-il le moindre mérite?
Ceux qui connaissaient notre regretté, lui reconnaîtront sa noblesse de caractère, sa grandeur humaine et sa générosité. Ils vous diront par exemple : je n’ai jamais vu Bamba en colère (Pape Mbaye DIENE de Rufisque) ou : » même s’il savait qu’une personne était son ennemi, il pouvait l’héberger chez lui et l’aider à régler ses problèmes (Oustaz Ibrahima KA). J’ai fait l’interprétariat simultané pour plusieurs personnes, mais seul Bamba m’a rémunéré selon les normes internationales de l’interprétariat.
Ce qui conforte Docteur Mouhamad Said BA, qui me disait : « pour ce qui concerne la noblesse de caractère je crois que nous n’avons pas quelqu’un qui est pareil à Bamba »
1- un soutien enthousiasmé pour les plus jeunes
Sous nos cieux, ceux qui s’érigeront en fiers briseurs de carrière ou d’ambition dès qu’ils se sentiront en être capables, sont plus nombreux qu’on ne le croit ! N’a-t-on pas dit que l’envie est responsable de notre stérilité et c’est pour elle qu’on cherche à éliminer tous ceux qui sont aptes.
Notre regretté ne faisait pas partie de ceux-là. Parce qu’il avait confiance en lui même et ne voyait personne comme quelqu’un qui pouvait lui faire de l’ombre. Un très haut cadre arabisant, maire dans sa ville natale et chef de parti, m’a dit le jour de l’enterrement de notre regretté: « quand je devais aller étudier dans les pays arabes, quelqu’un avait écrit un rapport très négatif à mon endroit pour me bloquer, mais dès que j’en avais parlé à Bamba Ndiaye, il m’avait répondu : tu vas voyager ». Un autre interprète simultané que Bamba Ndiaye avait engagé avec moi à l’hôtel King Fahd Palace tout dernièrement me disait que c’est grâce à la diligence de Bamba qu’il avait été nommé traducteur à Djedda. Un ancien ami de la Jamaatou Ibadou Rahmane m’a également dit qu’après avoir été nommé prédicateur par la diligence de Bamba, ce dernier avait conduit sa voiture jusque chez lui, dans un quartier enclavé, pour l’en informer et l’aider à faire les formalités. Un autre arabisant actuellement diplomate est également redevable à Bamba NDIAYE dans les plupart de ses promotions professionnelles. Me concernant, en plus de m’avoir copté pour l’interprétariat simultané, il m’avait aussi désigné pour être membre du comité sénégalais pour la solidarité des peuples afro-asiatiques qui est liée à une organisation internationale relevant de la société civile pour la défense des différents droits des peuples afro-asiatiques. Il faut noter aussi, le dernier acte généreux qu’il a fait en préfaçant le mythique ouvrage du Président de l’Union des Magistrats du Sénégal Souleymane TELIKO intitulé « Médiations sur l’acte de juger ».
2- Une modestie très révélatrice de noblesse
Bamba Ndiaye, un vrai savant, un grand homme, avait une modestie très frappante. En tant ministre, il ne voulait pas de garde du corps et déposait lui-même son chauffeur chez lui et venait le chercher le lendemain (disait-il, lui même). Il n’utilisait pas les voitures très luxueuses (Bachir Ndiaye, son fils). Un petit enfant pouvait le retenir pendant longtemps, malgré son agenda souvent chargé (Babacar Diouf de Thies)
3- La générosité, un caractère dominant chez notre regretté
Dans toutes les actions de notre regretté, ressortait sa grande générosité. Aux membres de sa famille, il disait : quand vous constaterez que j’ai de l’argent avec moi, venez me dire vos besoin aussitôt. Sinon, si quelqu’un d’autre vient me le demander, je vais le lui donner (son fils Bachir Ndiaye). C’est à cause de sa générosité qu’il n’a pas construit des étages (Pape Mbaye DIENE de Rufisque). « Sa générosité était étonnante et sans limite (Imam Ahmad DIA).
III. LA MORALE DE L’HISTOIRE
Avec le départ de ce géant de l’action islamique, c’est toute une histoire de grande vision et d’actions pionnières au service de l’islam et des autres, qui vient de nous quitter. Qu’Allah l’accueille dans son paradis le plus distingué en compagnie des grands serviteurs de l’islam.
Tout cela ne devrait-t-il pas nous pousser à reconnaître nos hommes valeureux, nonobstant leur appartenance à une association ou d’autres critères crypto personnels, de leur accorder la reconnaissance qu’ils méritent, alors qu’ils ne sont pas encore arrachés à notre affection.
